
Flashback Première équipe Hommes – Episode VIII

Feuilleton: Dimitri Gisin revient pour vous sur la première partie de saison en plein-air de la Première équipe Hommes. Au travers de plusieurs portraits, une chance unique de revivre les neuf matchs de l’équipe fanion de l’intérieur.
Huitième partie: Tri-Pack, le nounours qui voyait souvent rouge, malgré un coeur gros comme ça et un amour sans borne de notre noble sport.
HC Olten – Servette HC (1-1; 1-3 tàb). L’histoire de Tri-pack.
Il avait failli abandonner plus d’une fois. Tout lâcher. Cela aurait été tellement plus simple. Il en avait marre de ces humiliantes défaites en demi-finale, de se prendre des cartons et de l’amateurisme de certains. Il pensait s’être convaincu d’arrêter lorsque son vieux copain Julien Houblond avait annoncé sa retraite. Arrêter après une bonne petite coupe d’Europe, personne ne trouverait rien à redire.
Puis, le Belge était arrivé. Et il lui avait parlé. Mais Tri-Pack n’avait pas besoin de ça. Il savait au fond de lui-même qu’il continuerait, Belge ou pas Belge.
Alors le revoilà, dans ce train de 7h37 qu’il connaissait par cœur. Le revoilà avec "son équipe de débiles" comme il aime les surnommer. "Faut être soi-même débile pour jouer dans une équipe de débiles pareils" s’était-il dit alors qu’ils venaient de passer Morges.
Ils commencent l’échauffement d’avant-match. Comme d’habitude, les jeunes font des trucs de jeunes qui l’énervent. "Personne ne t’a forcé à continuer", se dit-il, "ferme-là". Son équipe, le Servette HC de Genève, affronte le HC Olten. Il aime bien jouer contre Olten. Ils jouent physique, donnent des coups principalement quand l’arbitre a le dos tourné, mais au moins, il ne trichent pas et se donnent à fond. Et puis, Servette finit presque toujours par gagner contre eux. Donc il les aime bien.
Tri-Pack joue derrière. Non pas qu’il court peu ou moins vite que les autres, mais il laisse le fignolage pour les artistes. Lui, il bâtit ou démolit une action. Il a d’ailleurs un physique de démolisseur. Il aurait pu être une star de rugby mais une épaule récalcitrante en a décidé autrement. Et il s’énerve, à l’anglaise et en anglais. Et il jure, contre lui-même. De toute façon, personne ne comprend vraiment ce qu’il dit quand il profère des grossièretés en anglais.
Il traîne cette image comme un boulet. Un grand gars plein de muscles qui jure en anglais a autant de chance de passer pour un violent qu’un jeune Ghanéen marchant sur le quai du Seujet a de chance de passer pour un dealer. Délit de faciès. Pourtant, Tri-Pack n’a jamais blessé quelqu’un, n’a jamais été violent sur le terrain, même à l’entraînement. Les grands balèzes apprennent jeunes à se tenir à carreau, car ce sera toujours eux qui seront accusé les premiers.
Retour au match. 1-0 pour Olten. Servette joue pourtant bien. Lorsque Tri-Pack perd la balle à la 50e minute du match et qu’il essaye de la récupérer, un joueur adverse fait barrage de son corps entre lui et la balle. Alors, il fait comme tout le monde, il pousse le joueur pour manifester qu’il y a obstruction. Et il obtient la faute par l’arbitre à côté de lui.
Dans un premier temps.
Lorsque l’arbitre situé à l’autre bout du terrain brandit un carton rouge, il pense "qu’est-ce qu’il a encore dit Philou pour se prendre un rouge". Puis, comme toute l’équipe, pense que la carte est adressée à un joueur adverse. Il entend même Irtimid dire "c’est bon les gars, on joue à 11 contre 10". Puis il comprend que la carte s’adresse à lui. Pas que ça soit excessivement clair mais on le lui a dit.
Un voile passe devant ses yeux. Il est blasé. Il ne ressent pas de haine. Pas d’animosité. Il ressent juste du dégoût. Et il comprend à nouveau pourquoi il voulait arrêter le hockey. N’obtenant pas d’explication à son expulsion, il sort sans un regard derrière lui. La tête haute.
En sortant du terrain, ses coéquipiers qui autrefois auraient accouru vers l’arbitre pour gueuler le regardent simplement partir. Eux aussi ont compris qu’il ne servait à rien de se battre sur ce terrain-là. Il sent leurs yeux sur son dos et pensent les entendre dire "cette fois, on aura de la peine à le ravoir notre Tri-Pack".
Retour au match. Tri-Pack est sous la douche. 1-1. Tri-Pack sort de la douche et se tient très loin du terrain. Shoot-out. Victoire de Servette. Puis il va vers l’équipe qui le regarde un peu inquiète. Alors il annonce qu’il arrête, que ça ne sert à rien, qu’il est dégouté.
Alors? Alors le mardi suivant, Tri-Pack est présent à l’entraînement. Tri-Pack ne s’est toujours pas convaincu d’arrêter, malgré son dégoût. Ses coéquipiers ne disent rien mais ils savent qu’ils l’ont récupéré. Ils n’imaginent pas l’équipe sans lui. Alors ils sourient et peuvent commencer à le taquiner avec les bières qu’il est supposé payer pour son carton.
Dimitri Gisin
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