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Sur la Route du Stick avec Gabriel Tuscher

L’ancien junior – puis entraîneur – servettien Gabriel « Gab » Tuscher s’apprête à partir une seconde fois sur la « Route du Stick ». Il nous explique son parcours, son projet, et pourquoi l’Afrique le passionne tant!

Gabriel, d’où te vient la passion du hockey, de développer ce sport?
J’ai commencé le hockey à Genève, en 1982, dans la cour à l’arrière de l’immeuble où je vivais à Saint-Jean. Un voisin jouait au Servette, il nous a initié et je suis tombé amoureux de ce sport. En 1988 j’ai rejoint le Servette ou j’ai joué jusqu’en Juniors. Rapidement Nicolas Gisin, responsable junior de l’époque, m’a demandé d’encadrer les plus petits. Je me suis pris au jeu, j’ai effectué tous les cours J+S et eu la chance de devenir entraîneur professionnel en occupant le poste d’entraîneur cantonal (au sein de l’AGHGa) de 1999 à 2003. Au fil du temps, j’ai réalisé que j’avais plus la fibre humaine qui me permettrait de faire du développement que du haut niveau. J’ai beaucoup plus de plaisir à travailler avec des enfants ou à former des entraîneurs, des arbitres…

Gab avec les Servettiens Nicolas Gisin, Paulo David et Erik Mudde lors de la Coupe du Monde en Inde (décembre 2018)

Qu’est ce qui te passionne dans l’Afrique?
J’ai découvert l’Afrique en 1995, lors d’un projet d’échange entre la Maison de Quartier de Saint-Jean et le village de Kotoura au Burkina Faso. Là aussi je suis tombé sous le charme du pays. Les gens sont accueillants, ouverts, chaleureux, le climat agréable, le rythme de vie n’est pas le même que celui de fou qu’on doit suivre en Europe. Jusqu’en 2016 je ne connaissais que le Burkina Faso. Après avoir donné une première formation d’entraîneur dans la capitale Ouagadougou pour la fédération africaine, j’ai eu la chance d’être appelé pour délivrer d’autres cours. J’ai ainsi pu découvrir d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, presque tous débutants en matière de hockey. Avoir l’opportunité de les accompagner dès leur début est vraiment une superbe expérience.

Quel a été le déclencheur pour lancer ce projet solidaire?
Il y a quelques mois, j’ai effectué pour la première fois le voyage par la route de Genève à Ouagadougou, un rêve devenu réalité lors duquel j’ai pu distribuer un peu de matériel. J’ai tellement aimé ce voyage que je me suis dit qu’il fallait le refaire. D’un autre côté, depuis trois ans et le début du projet d’aide aux pays de cette région d’Afrique, j’ai réalisé que le plus difficile n’était pas de recevoir du matériel mais de l’envoyer. M’est alors venue l’idée de l’acheminer par la route. Ce qui me permettra aussi de dispenser des formations dans chaque pays où je m’arrêterai. 

Gab et son minibus plein de matériel de hockey

Ce n’est donc pas la première fois que tu prends le volant pour apporter du matériel en Afrique. Comment s’était passée ta première expérience?
Géniale! En avion, on passe six heures assis à côté de voisins dont souvent on ne connait même pas l’identité. Les yeux collés à l’écran la plupart du temps, on n’échange même pas avec eux. Si on a la chance d’être au hublot on peut observer, admirer, le Sahara vu du ciel bien plus habité et exploité qu’on ne le croirait. Par la route, c’est tout différent: chaque jour on fait des rencontres, les douaniers ou policiers des check-points et postes frontières, les tenanciers et utilisateurs des cafés, hôtels ou autres guinguettes où l’on s’arrête. Chaque soir, il faut trouver un hébergement, cela oblige d’aller au contact de la population locale. Si on a la chance de rester plusieurs jours au même endroit, on crée des liens avec des vendeurs au marché, des pêcheurs, des paysans. Par voie terrestre, on a aussi la chance de voir les changements culturels, culinaires, architecturales, commerciaux…

D’où proviennent les soutiens, comment fais-tu adhérer les gens, les clubs, à ton projet?
Au départ, il m’a suffit de poster une ou deux publications sur les réseaux sociaux pour recevoir plus de trois tonnes de matériel! Principalement venant de Belgique ou j’étais encore très actif dans le milieu, de Hollande, d’Allemagne et de Genève aussi. J’avais passé un dimanche au Stade de Richemont en septembre 2016 afin de récolter du matériel et vendre des produits africains pour payer les frais d’envoi. 
Tout hockeyeur a au moins une canne non utilisée à la maison, souvent une ou deux balles aussi, le fait de les donner pour le développement dans des pays moins fortunés motive tout un chacun à se séparer de se matériel qui a souvent une valeur plus sentimentale que financière à leurs yeux. Pour ce qui est du matériel de gardien de but ce sont souvent les clubs qui me contactent au moment où ils renouvellent leurs équipements. Parfois je reçois des équipements complets mais le plus souvent ce sont des éléments isolés (gants, jambières, casques…). Au moment de déballer le premier envoi à Ouagadougou, j’étais accompagné du Servettien Benoît Wyss-Chodat, qui avec tout le matériel reçu avait réussi à recomposer trente-six équipements de gardien! Parfois les clubs organisent une collecte auprès de leurs membres, parfois je passe une journée dans un tournoi ou chacun peut venir déposer son matériel.

Une quarantaine de crosses récoltées pour le Burkina Faso

Comment se développe aujourd’hui le hockey en Afrique?
Chaque pays avance à son rythme. Cela dépend du temps que chacun peut passer sur le terrain et de la manière de structurer leur club, la ligue. Et de la carte géographique des clubs du pays aussi! Si les clubs sont repartis dans tous le pays, il est difficile d’organiser des matchs, les distances et les frais qui résultent d’un déplacement sont bien trop élevés pour des structures qui ne collectent pas de finance d’inscription ou ne reçoivent pas d’aide financière.

Et dans les pays d’Afrique de l’Ouest dans lesquels tu as déjà pu donner des formations? Quels sont les beaux succès?
Il y a les locomotives comme le Ghana et le Nigeria, qui ont des années d’avance. Pays anglophones, ils pratiquent depuis des décennies le hockey. 
Le Burkina Faso avance, petit à petit. En trois ans, ils ont réussi à monter une vingtaine de clubs, dont une partie se retrouvent chaque année sur un weekend à Ouagadougou pour disputer le championnat national. On compte environ 800 joueurs.
Le Togo a la chance de pouvoir pratiquer le hockey dans les établissements scolaires, cela facilite beaucoup de chose. Par exemple les entraîneurs formés ne doivent pas prendre sur leur temps libre pour entraîner, cela fait partie de leur métier, alors que dans d’autres pays un entraîneur sur le terrain perdra de l’argent vu qu’à la même heure il aurait pu donner des cours de soutien scolaire ou autre. C’est une des réalités qui fait que beaucoup d’entraîneurs se découragent après quelques mois ou années. Le hockey togolais est principalement concentré sur la ville de Lomé, ce qui facilite aussi les possibilités de rencontres. De plus ils ont un Directeur Technique National qui travail comme un fou. Bénévole, il ne compte pas ses heures et grâce à lui le hockey togolais se développe à grande vitesse.

Formation hockey sur gazon au Burkina Faso (novembre 2018)

Mais la situation n’est pas aussi positive dans tous les pays, il n’est pas toujours facile d’obtenir des soutiens étatiques…
En effet. Au Cameroun, tout ne dépend que d’un homme. Entraîneur et pratiquant d’arts martiaux, il a pris en charge la fédération de hockey de son pays. Passionné de sport, il se démène avec les moyens du bord afin de construire petit à petit sa structure. Il ne reçoit aucune aide du Comité Olympique National ni d’ailleurs. Tout comme la Côte d’Ivoire d’ailleurs, non reconnue comme fédération par leur propre Comité Olympique ils peinent à grandir alors qu’il y a à Abidjan deux ou trois entraîneurs très motivés et des joueurs aussi!
Le Bénin en est à ses balbutiements, ils n’ont d’ailleurs pas encore suivi de formation mais ont du matériel. Un Burkinabé qui a passé deux ans sur place les a initiés, ce sont des étudiants professeurs de sport qui souhaitent créer leur structure de hockey.

Quels parallèles peux-tu faire avec le hockey en Suisse?
Si on regarde les aspects du développement du sport, que manque-t-il en Suisse? Les enfants qui ont envie de découvrir ce sport! Si un club recevait 100 demande d’adhésion par année, il s’organiserait pour les accueillir, trouverait des entraîneurs qu’il défrayerait pour chaque nouvelle équipe et les joueurs auraient tous du matériel acheté personnellement. Le problème est qu’il n’y a pas 100 enfants qui demandent à jouer! Ici au Burkina Faso, c’est l’inverse, partout où le hockey se joue il y aurait la possibilité de recevoir des dizaines de nouveaux joueurs, les enfants s’arrêtent quand on entraîne et demande comment faire pour rejoindre le groupe. Malheureusement il manque du matériel, il manque des entraîneurs et une rémunération honnête du travail fourni. Il faut bien penser que les entraîneurs européens sont tous des joueurs, qu’ils ont cette passion en eux et que pour la plupart il est logique de rendre à leur club ce qu’ils ont reçu. Ici aucun entraîneur n’a joué au hockey, ils n’ont techniquement d’ailleurs pas la fibre du hockeyeur, ce qui rend l’enseignement encore plus difficile. Leur demander de donner du temps pour leur club n’a pas le même sens qu’au Servette.

Stage de formation des entraîneurs en Algérie (février 2019)

Comment les membres du Servette HC peuvent contribuer à ton projet? Et les juniors, comment peuvent-ils également s’investir?
Chacun peut donner le matériel qu’il n’utilise plus, du moment qu’il est encore en bon état. Je ne prend pas d’habits, sauf si il y a des jeux de maillots, mais des habits dépareillés sont difficile à distribuer dans le cadre de ce projet. Si quelqu’un veut se séparer d’un minibus je suis aussi preneur! L’année passée nous devions partir au Burkina avec un groupe de jeunes Servettiens, malheureusement suite aux attentats qui ont frappés Ouagadougou en mars 2018, le camp a dû être annulé. Aujourd’hui la situation n’est pas meilleure, c’est plutôt l’inverse. Je ne voyagerai donc malheureusement pas dans un futur proche au Burkina avec des jeunes, mais nous pourrions penser organiser un voyage au Togo pour juillet 2020!  Ce serai aussi un moyen d’aider au développement du hockey africain que d’aller sur place encadrer des jeunes pendant trois semaines.

Avec le Servettien Benoît Wyss-Chodat pour la formation des jeunes du Gounghin HC au Burkina Faso (février 2017)

Quels sont tes prochains objectifs, après la Route du Stick?
Si un contrat d’entraîneur se présente sur le continent africain, je pourrais l’accepter, ailleurs aussi même s’il y a  peu de chance que je revienne travailler définitivement en Europe. J’y suis quelques mois par année pour « renflouer les caisses » puis je repars au Burkina pour travailler (bénévolement) sur différents projets. Celui qui m’occupe le plus en ce moment est la mise en place des activités de l’association que j’ai montée avec des amies dans la ville de Bobo-Dioulasso. « Nyentaga » (aller de l’avant en langue Dioula) est une association à objectifs socio-éducatifs et culturels qui va dès octobre financer la scolarisation d’enfants ainsi que des formations professionnelles à des adolescents ou jeunes adultes. Tous issus de familles défavorisées ils n’ont jamais été à l’école. Plus d’informations sur la page Facebook de Nyentaga!  


Gabriel Tuscher en bref

  • Âge: 45
  • Né à: G’nève!
  • Habite actuellement à: Vagabond, domicilié en Belgique, mais voyageant entre la Belgique, la Suisse et le Burkina principalement, et là ou le vent m’emporte aussi.
  • Parcours en club (joueur): Servette HC (14 à 20 ans), BBHC (21 à 31 ans), puis CA Montrouge (Paris) et Royal Wellington (Bruxelles) mais uniquement en hockey loisir avec des vieux les dimanches matin à 8h!
  • Parcours en club (coach): Servette HC jeunes et dames de 1992 à 1999 puis AGHGA comme entraîneur cantonal de 1999 à 2003, CA Montrouge de 2005 à 2007, Royal Wellington 2007 à 2016, Royal Hockey club Namurois de 2016 à 2017
  • Coach Suisse U18 de 2001 à 2003
  • Poste actuel: Educateur pour la FIH et la AHF, et hockeyeur-voyageur 
  • La citation qui t’inspire tous les jours: Je n’ai pas de citation, je m’inspire plutôt d’une philosophie de vie: profiter de chaque jour, mettre l’énergie là où on peut avoir de l’influence et ne pas en perdre à essayer de contrôler des facteurs dont l’on n’est pas maître!

 

Soutenez Gab dans son aventure!

> Soutenir La Route du Stick: https://chuffed.org/project/laroutedustick
> Ou contacter Gab directement: gabrieltuscher@gmail.com / 078 830 30 90

Interview: Pascal Zimmermann