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Flashback Première équipe Hommes – Episode I

Feuilleton: Dimitri Gisin revient pour vous sur la première partie de saison en plein-air de la Première équipe Hommes. Au travers de plusieurs portraits, une chance unique de revivre les neuf matchs de l’équipe fanion de l’intérieur.
Première partie: un certain Pierre-Yves Lami broie du noir à l’approche du derby genevois.
Servette HC – Black-Boys HC (3-1). L’histoire de Pierre-Yves Lami.
Il se réveille la tête dans le sac ce matin de septembre. Pas beaucoup dormi. Les voyants rouges de son réveil indiquent 06h23. Il a encore le temps. Se demande tout de même si ça ne vaudrait pas la peine de tout revérifier, pour être sûr.
Le long rituel recommence alors. Il ne sait pas combien de fois il l’a déjà effectué et ne se donne plus la peine d’y penser depuis qu’il a compris la futilité de ce genre de réflexion. "L’essentiel Pierre, l’essentiel". Il colle donc un papier blanc sur son mur du salon sans se donner la peine de décoller celui posé quelques jours auparavant. Et il commence à dessiner.
Pieds nus sur un parquet qui déteste cordialement toutes tentatives de ménage. Barbe de trois jours. Pas un cheveu copain avec son voisin. Mâchouillant fiévreusement le capuchon de son stylo. Il a des allures de peintre baignant dans un délire de création artistique, ou d’un artiste porté par un don exacerbé par ces substances qui altèrent les sens. Mais pas d’un coach de hockey.
Non.
Quoique.
Ses traits son précis et ses tableaux toujours ornés d’un cadre rectangulaire à l’intérieur duquel figurent deux demi-cercles aux extrémités. Ses tableaux comportent tantôt des flèches, tantôt des noms, tantôt des traits. L’homme couche ses idées à défaut de se coucher lui-même. Tel est la vie de Pierre-Yves Lami, les heures qui précédent un match.
Et aujourd’hui, il y a match. Un match "qu’on ne peut pas perdre", se dit Pierre. Il se demande s’il lui arrive de penser le contraire. Hésite. Trace une énorme flèche au milieu de son tableau et part se faire son petit-déjeuner maison à base de caféine et de nicotine.
A midi aura lieu le premier match de la saison 2012-2013 contre "nos meilleurs ennemis", comme l’a dit un de ses joueurs la veille. Pensant à l’expression, il commence à ranger ses affaires et prend le parti de voyager léger. "L’essentiel Pierre, l’essentiel". Vérifiant qu’il n’a pas oublié son tableau blanc, il se dit qu’il préfère l’adage "dans le hockey, il y a la balle, la canne, le joueur et quand tu défends, il n’y en a que deux qui de passent". Il pense aussitôt que ça n’a rien à voir avec la précédente expression. Il se déconcentre et ça l’énerve. "L’essentiel Pierre, l’essentiel", c’est ce que son vieil ami Daniel lui répétait chaque veille de match en Belgique. Il se résout donc à se concentrer sur l’essentiel, à savoir ne pas rater son bus.
Arrivé au stade avant tout le monde, Pierre repense à la préparation d’avant-saison. Du bon, du moins bon. "Ca devrait passer pour aujourd’hui". Il ne s’aperçoit même pas qu’il tourne en rond en marchant de plus en plus vite.
Les premiers joueurs arrivent. Leur calme l’énerve. Tout le monde est là. Pierre commence à parler. Leur calme le rassure. Il prépare toujours ses discours d’avant match mais s’autorise aussi à accepter l’inspiration du moment. Et il est inspiré. Alors il parle. Les joueurs semblent plus sensibles à l’enthousiasme de ses propos qu’à leur sémantique.
"Ca devrait passer aujourd’hui".
Il avait changé plusieurs fois d’avis avant de se décider pour la composition d’équipe. Il faut un équilibre. Il faut du calcul. Il peut l’expliquer. Il faut de l’intuition. Il ne peut l’expliquer. Alors quand on lui demande des comptes, il prévoit également des arguments rationnels pour chacune de ses décisions. Quand il aura 30 ans de métier, il ne se donnera plus cette peine.
Le match commence. Une lutte interne commence dans la tête du coach de la Première équipe masculine du Servette HC. Savoir gérer ses émotions. "Savoir gérer leurs émotions!". S’occuper des changements. S’occuper de ne pas s’occuper de l’arbitrage. 1-0. Choisir ses mots. Adapter ses consignes. Mi-temps. Motiver les joueurs. Savoir trouver les bons mots. 2-0. Savoir déléguer aux leaders de l’équipe. 3-0. Gérer ses émotions. 3-1. "Gérer leurs émotions!". Servette HC – Black-Boys: 3-1. Ne pas tomber dans le soulagement. Montrer aux joueurs que rien n’est acquis. Expliquer à X pourquoi il n’a pas joué plus. Parler à la presse. Ci – ça. Boire une bière. Se moquer de Philou qui engueule ses coéquipiers pour qu’ils montrent plus leur joie quand ils gagnent. Se calmer. Refaire le match dans sa tête. Refaire le match en discutant.
Rappel: recommencer le processus dès demain.
Dimitri Gisin
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