
Un jour glacial de février où le hockey sur gazon a failli être tué dans le plus grand secret

Décidément, le Comité International Olympique (CIO) n’arrive toujours pas à vivre une démocratisation élémentaire! Alors que la révolution des nouvelles technologies est supposée amener plus de transparence, de participation de la base et de démocratie, c’est dans le secret le plus total que les quatorze membres (le quinzième est le Président du CIO Jacques Rogge qui s’est abstenu de voter) de la plus importante commission du CIO, la Commission Exécutive, ont sur la base de mystérieux critères – 39 au total – joué avec le feu et décidé de sauver ou tuer des sports olympiques.
Le hockey sur gazon était étonnamment sur la liste noire des sacrifiés potentiels et ceci malgré presque cent ans d’olympisme, des millions de pratiquants sur les cinq continents et un développement continu! N’importe quel enfant peut comprendre que ce jeu de massacre est une réalité hallucinante qui pourrait un jour tout simplement sonner l’arrêt de mort du hockey sur gazon ou d’autres sports, quel que soit leur popularité!
Le 12 février donc, dans un salon discret et feutré du CIO à Lausanne, la Commission Exécutive a étudié l’avenir du programme olympique, ce qui en soit est normal et sain. Cependant, l’objectif de la Commission était de "moderniser" le programme des JO de 2020 (ville encore à désigner). On sait qu’aux JO de 2016 à Rio de Janeiro, le rugby (normal à notre sens) et le… golf (bonjour l’arrivée en puissance des sponsors du monde du luxe!) ont été admis sports olympiques. Le monde évolue et le programme olympique également. Mais avec quels critères et quel mode de décision? Sept sports sont présélectionnés pour rentrer dans le programme olympique en 2020: baseball-softball, karaté, roller, escalade sportive, squash, wakeboard et… wushu (visiter Google!). Les suivants seront-ils la Formule 1 et le poker?
Il faut rappeler qu’en 1988, le taekwondo a intégré à la surprise générale le programme olympique alors que, par exemple, le karaté est un sport martial nettement plus pratiqué et universel. Il s’avéra plus tard que cette décision fut un "geste" du président du CIO à un sport à l’époque uniquement populaire en… Corée du Sud. Petit cadeau du Président Juan Antonio Samaranch, pour accueillir des JO à Séoul grâce à celui qui allait devenir plus tard Vice-Président du CIO: son grand ami Kim Un Yong. Ce dernier fut condamné en 2005 par la Cour Suprême de Corée du Sud à deux ans de prison ferme pour corruption alors qu’il était encore Vice-Président du CIO… Une année plus tard, face à l’évidence des faits, le même CIO l’expulsa du mouvement olympique, également pour corruption avérée dans le scandale de l’attribution des JO de 2002 à Salt Lake City…
Critères et votes secrets!
Étonnante démarche que celle du CIO: le 12 février dernier, les cinq sports sur la sellette étaient la lutte, le taekwondo, le canoë-kayak, le pentathlon et donc le hockey sur gazon. Pour le pentathlon, nombreux d’entre nous doivent aller sur Google pour comprendre ce qu’est ce sport, pas si moderne, et découvrir qu’il faut y ajouter l’adjectif « moderne » et qu’il s’agit d’une épreuve de cinq sports combinés (tir au pistolet, épée, course à pied et saut à cheval). On le comprendra, il s’agit d’un sport d’origine militaire, aux JO depuis 1912 et aujourd’hui pratiqué par probablement moins de mille sportifs dans le monde! Au JO de Londres, seuls 26 pays étaient représentés par seulement 72 athlètes, hommes et femmes compris… Finalement, le CIO l’a sauvé et gardé dans son programme olympique pour des raisons restées obscures, seuls 3 des membres de la Commission étaient en faveur de l’exclure ; autant de voix contre que… celles reçues par le hockey sur gazon et ses plus de 1, 5 millions de pratiquants! Le grand perdant alors? La lutte, dont 8 membres de la Commission ont recommandé son exclusion. La lutte? Tout simplement un sport qui est ancestral, traditionnel et dans le noyau dur des sports olympiques! Le raisonnement du CIO, son système de vote et les 39 critères utilisés sont restés totalement secrets. Rien n’est sorti de la réunion de la Commission et le site Internet du CIO est digne de l’ère soviétique! "Dans le but de s’assurer que les Jeux Olympiques continuent d’intéresser les passionnés de sport, toutes générations confondues, la commission du programme olympique analyse systématiquement chaque sport après chaque édition des Jeux" pouvait-on lire à la clôture de la réunion.
Ce qui semble évident aujourd’hui, c’est que certains ont bien fait leur travail de lobbying ; d’autres non…
Comment est-t-il possible que le hockey ait été placé sur cette liste noire alors que depuis les JO de 1976 et l’introduction du gazon artificiel notre sport s’est popularisé et modernisé avec son temps, ayant même introduit avec grand succès la vidéo pour les arbitres? Premièrement, aucun des membres actuels de la puissante Commission Exécutive – les grands décideurs – n’a de passé ou de passion pour le hockey sur gazon alors que selon le site officiel du CIO ces 14 personnes sont passionnées par d’autres sports olympiques, qui comme par hasard ne sont pas placés sur la liste noire… Le Suisse René Fasel, Président de la Fédération Internationale de hockey sur glace depuis presque 20 ans, fait partie de cette commission, mais il faut croire que ni les dirigeants du hockey sur gazon suisse ou européen n’ont jamais fait l’effort de le sensibiliser à son sport cousin…
Il serait catastrophique pour le hockey sur gazon d’être victime d’une décision arbitraire prise par une minuscule poignée de personnes coptées du CIO et de perdre – sur la base de critères inconnus – son label olympique. Pour des sports où les enjeux commerciaux sont encore à dimension humaine comme le hockey sur gazon et tant d’autres beaux sports qui honorent au jour le jour l’esprit olympique, sortir du programme olympique est clairement une mise à mort quasi-inévitable. Espérons que le hockey sur gazon pourra efficacement défendre ses intérêts à l’avenir en plaçant des alliés là où il le faut dans le monde politique si opaque et obsolète du CIO, encore un des rares endroits du globe où le vote secret est encore la règle…
Paulo David