Billet du président (Août 2015)
Quand en mai 1990 j’ai donné mes premiers entraînements à de petits juniors servettiens, je n’avais aucune idée de l’aventure qui m’attendait. Avec Mireille et Sandra nous avons pris énormément de plaisir à organiser ces entraînements, des déplacements, nuits en abris de protection civile, tournois, soirées, etc. Ma passion, le hockey sur gazon, est devenue une passion familiale. Rapidement il a été nécessaire de structurer le club. En particulier il fallait un président, poste alors vacant depuis quelques années. Surprise, c’est Xavier qui s’y est collé, avec son large sourire. Je me rappelle encore très bien le jour où il m’annonce que tout va bien, il reste encore quelques milliers de francs dans la caisse (je ne suis pas certain qu’à l’époque Xavier comprenait la différence entre P&P et bilan).
Bref, s’occuper de ses enfants et de leurs ami(e)s est un vrai bonheur. Bien sûr il y a aussi eu quelques frustrations. Par exemple les juniors qui annoncent arrêter le hockey la veille de finales. Ou des arbitres qui ne pouvaient, à l’époque, imaginer des Genevois battre des Suisse-allemands. Mais les rires l’ont toujours emporté.
Dès le début tous les Genevois, aussi bien Servettiens que nos partenaires du BBHC, m’ont tous dit et répété : c’est impossible, tu n’y arriveras jamais, c’est juste un coup, on ne peut pas faire du hockey sérieux, on n’a pas d’argent et, surtout, ça ne tiendra pas sur la durée. Et chacun de m’offrir une bière, considérant que c’était là le vrai summum de notre activité. C’est peut-être bien cela qui m’a le plus motivé. Finalement, il n’y a que l’impossible qui mérite qu’on s’y attèle.
Mais pour réaliser l’impossible il faut quand même un peu d’argent. J’étais agacé par les parents qui nous disaient : « mon fils ne peut pas jouer ce week-end, il a un tournoi de tennis et au prix que ça coûte … ». Et bien, si c’est ainsi, on va tout simplement multiplier le montant de la cotisation par 3 (ou peut-être était-ce 5, je ne me rappelle plus ; au début la cotisation était essentiellement gratuite). Puis on a obligé chacun d’acheter des cartes de membres de soutien, à vendre à leur famille et amis. Un groupe d’anciens a formé un comité de soutien de la 1ère équipe, un soutien très apprécié : merci à tous ! Lentement on a appris comment trouver des subventions (un travail à plein temps, tant les règles changent continûment). Puis il a fallu chercher des sponsors. La rengaine « c’est impossible » est ressortie, sans la bière, les hockeyeurs genevois me croyaient fou. Probablement avec raison. Reste qu’aujourd’hui un bon tiers de notre budget provient du sponsoring.
Quand nos enfants, à Sandra, Mireille et moi, ont quitté les U11 (appelés minimes à l’époque, puis JD entre temps), s’est posée la question de savoir si on allait se contenter de suivre nos enfants ou construire tout un mouvement junior. Vous connaissez la suite. Sandra a été présente tous les mercredis après-midi, en plein-air comme en salle, pendant 19 ans. Et Mireille s’apprête à entamer sa 26ème année ! Pour rappel, en juin dernier nos U11 et U17 ont gagné leur titre de champion suisse ! Et ce n’était de loin pas nos premiers titres de champion junior.
Mais là je vais trop vite. Vers 16 ans nos jeunes étaient déjà bien trop forts pour moi. J’ai quitté la responsabilité du mouvement junior pour prendre la présidence du club. Le premier défi était de monter de 1ère ligue en LNB. Aujourd’hui, cela peut faire sourire, mais à l’époque ce n’était pas gagné. Puis rester une année en LNB avant de viser la LNA … avant de rechuter en LNB. Mais la 2ème promotion fût la bonne, depuis le Servette n’a pas raté une seule fois les play-offs. Puis sont venus la première qualification en Coupe d’Europe en 2003, la première victoire en Coupe suisse en 2010 et le premier titre de champion suisse en 2014. Et les Servettiens qui n’y croyaient pas sont finalement revenus vers moi. La grande fête du centenaire du Servette (merci Paulo et Cie), le prix du Club of The Year de la Fédération Européenne, et le titre suprême de 2014 y sont évidemment pour beaucoup.
Pour arriver à cela il a fallu s’entourer de compétence et donc de quelques professionnels (tiens, encore quelque chose de soi-disant impossible). Après coup je pense qu’on aurait dû faire le pas plus tôt, avec plus de confiance en nous. Mais, après coup, c’est plus facile.
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui je dois avouer que je suis extrêmement heureux de quitter la présidence. Vingt-cinq ans c’est long. Je suis très content de voir un nouveau comité reprendre les rênes du club, avec leurs passions, leurs envies et, bien sûr, leurs priorités. Aujourd’hui j’ai le sentiment de laisser un club sain, tant sportivement que financièrement.
J’ai toujours géré le Servette comme un club amateur et fier de l’être. J’ajouterais «amateur mais sérieux ». La charte de nos équipes fanions et nos statuts en témoignent. Ma stratégie a beaucoup profité d’opportunités et de souplesse. Toute ma gestion du Servette a été basée sur la confiance. Les contrats sont pour la plupart oraux, confirmés par une poignée de main et un e-mail. Mais aujourd’hui le club a probablement besoin de plus de structures, de règles mieux établies, mieux communiquées et davantage imposées. Cela ne sera pas facile, des dents vont grincer. Le prochain comité a ses ambitions que je lui laisse communiquer. Certaines me paraissent impossibles. Vous voyez bien qu’il est temps que je me retire.
Pour finir, laissez-moi quand même dire ma nostalgie de l’époque où tout se discutait/décidait à la buvette de Richemont autour de quelques verres. J’ai beaucoup fait changer le Servette, avec succès. Mais parfois je me demande si nous n’avons pas aussi perdu quelque chose. A l’époque, avec 20-30 membres nous étions toujours au moins 10-15 aux entraînements conviviaux de l’été. Puis allions manger tous ensemble. Aujourd’hui nous sommes plus de 200 membres, mais avons de la peine à en trouver 10 pour les entraînements conviviaux et je ne me rappelle plus la dernière fois qu’on a fini tard au restaurant. Encore une fois, il est grand temps que je me retire.
Nicolas