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16.06.13 : Quand une saison s’envole en seize petites minutes…

Le sport est parfois cruel. Le sport est parfois injuste. Le sport est surtout inattendu, surprenant, soudain. Quand la pièce lancée par l’arbitre lors du toss frappe le sol et rebondit, avant de s’incliner, personne ne peut déterminer avec certitude si le résultat sera "face" ou "pile". Le point d’un match nul décevant (comme contre HC Olten au premier tour) ou réjouissant (arraché au Luzerner SC lors de la dernière journée) de prime abord, l’est-il toujours autant une fois les comptes faits? Débuter une demi-finale de play-off à l’extérieur, un avantage ou un inconvénient? Le sport, et le hockey sur gazon, ont cela de magique qu’ils sont imprévisibles, incalculables. La réalité des chiffres s’efface une fois le pied mis sur la pelouse pour faire place à la réalité du terrain. On peut gagner 9 duels mais en perdre un seul déterminant. On peut encaisser peu de buts dans une saison mais tous en même temps. On peut échaffauder des plans et des schémas, entraîner des mouvements et des techniques, s’encourager et s’épauler, ce qui se passe pendant les 140 minutes de matchs aller-retour de play-off en est le concentré, l’essentiel: le résultat implacable et inaltérable d’une saison complète. 
Et Servette de faire face à cette dure réalité-là, au sortir d’un week-end qui s’annoncait magnifique ; le soleil a brûlé les corps, l’issue des rencontres a assombri le ciel bleu. 
Pourtant, samedi 15 juin, 17h35, Wettingen, Servette mène 1-0 à la pause du match aller (but de Gaël). Une bataille engagée mais équilibrée, face à celui qu’on n’appelle certes plus la "bête noire" (car battable chez lui depuis cette saison), mais qui reste un adversaire coriace des Grenat. Avec un premier "quart temps" en poche, les orteils se retrouvent déjà en finale. Peut-être trop vite, si bien que les têtes échauffées des Servettiens se concentrent un peu moins, ne s’appliquent plus avec la même rigueur qui avait pourtant permis d’engranger 19 points lors des 7 derniers matchs de championnat. La seconde mi-temps est à peine engagée que déjà une perte de balle, qui en d’autres temps aurait pu se révéler anodine, termine en contre-attaque foudroyante aux fonds des buts grenat. Trois minutes plus tard, les Servettiens sont menés, et personne – personne! – n’aurait pu parier ce retournement de situation. Encore tout occupés à s’en remettre, les Grenat voient passer à toute vitesse des Rouges-et-Blancs qui eux n’ont pas manqué le train: 3-1. On joue depuis huit minutes. Comme un château de cartes, l’édifice grenat construit et modelé avec soin, travail et patience se fissure, s’effondre et s’enlise. 4-1, comme on le dit si bien, "ils enfilent les buts comme des perles". 5-1, l’affichage indique 19 minutes restantes. Et surtout, un score complètement improbable à cet instant. 
Seize minutes pour tout perdre. 10 mois de travail, 20 gaillards investis trois fois par semaine, un staff accumulant les nuits blanches, des litres de sueur, des blessures et des peines, des joies et des moments de rire, des doutes et des questions. Un trou, un vide, un moment qui ne s’inscrit dans aucun autre, qui ne reflète en rien l’investissement de tout un chacun. Mais: 89 minutes pour renaître, revivre et revenir à la hauteur à laquelle on appartient!
Avec l’énergie du désespoir, les Grenat tentent d’atténuer la claque reçue. Sans résultat malheureusement. Les têtes restent toutefois hautes à la fin de la première confrontation, car le lendemain se représentera l’occasion de "faire mieux". Comme à Prague, où Servette était parvenu à remonter un déficit de trois buts en un quart d’heure, il faudra prendre le match minute par minute, but après but…
Dimanche, les têtes sont donc prêtes mais c’est à nouveau la réalité du terrain qui aura le dernier mot. La subtile différence entre faire les choses "the good way" et les faire "the easy way". Et quand c’est l’adversaire qui marque le premier… Servette n’aura pas démérité, n’aura pas baissé les bras. Chaque joueur a tout donné, personne n’a laissé de regrets. A chaque attaque de Rotweiss, une réponse cinglante de Servette fait écho. Mais rentrer dans le cercle n’est pas marquer… Comme stopper un shoot n’est pas une garantie de ne pas encaisser de but! Et malgré une prestation enfin convaincante (victoire 3:2, triplé de Laxman), à la hauteur de ses possibilités, Servette n’est pas parvenu à relever ce qui a finalement été le plus grand défi de toute sa saison: effacer 16 minutes, 960 secondes d’absence sur toute une saison, pour espérer croire encore à son rêve, un titre de champion suisse. Une ambition pas nouvelle, qui demandera encore de la patience, du travail, des sacrifices, de la sueur… Mais tant qu’un coeur grenat bat!
Pascal Zimmermann