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© Mireille Gisin-Maye

Veni Vidi Perdi

Ils étaient à l’heure. D’aucuns auraient pu penser à des golfeurs. Non. Les pulls à capuche indiquaient la transpiration à venir d’un sport de contact. Ils étaient à l’heure. Et c’était déjà bien.

Le train arriva en gare de Genève pour amener la bande. Ils riaient et parlaient fort. Pourtant. Ces garçons savaient ce qui les attendait. La bataille. La sueur. La Suisse allemande.

L’un d’eux se mit en tête de jouer aux cartes. Navrante idée, se dirent ses camarades après sa troisième défaite. Pourtant. Il fallait rire un peu. C’était déjà bien.

L’Utogrund de Zurich ressemblait à tant d’autres. Elle résonnait. Rebondissait. Etait froide de par ses couleurs. Encombrée de par ses lignes.

Les garçons feignaient l’insouciance en arrivant. Dans un formidable effort de relâchement, Louis, le plus goguenard de la bande à n’en point douter, partagea sa création à toute la bande. Qu’il est bon de rire parfois.

Surtout avant la guerre.

Un premier match les opposa aux champions en titre. A la cuisse souple. Au regard vide. Au teint halé. A la confiance débordante. Les garçons marquèrent les premiers sur phase de jeu arrêté. Suivi d’un deuxième. Non. Annulé. Les champions en titre accélèrent. Vite. Trop vite. Panique. Jeu à 3. Sous-nombre. Défaite 5-1.

Un deuxième les opposa à la fameuse troupe dite des grenouilles. Effrayante. Aux tatouages audacieux. Au regard vide à nouveau. C’était atroce. Les garçons tinrent bon. Pendant un temps. La bataille fut serrée. La sueur au rendez-vous. Le courage aussi, parfois. Parfois seulement.

Quand ils seront grands, les garçons pourront se dire qu’une bataille se perd ou se gagne sur des détails. Détails, oui. Voilà. 3 détails. 3 buts. Des broutilles. Défaite 3-1. Dernier du championnat.

Les garçons sont des garçons. Aidés par deux vieillards. Reconnaissables à leur calvitie assumée. Leur nez atypique. A leur taille. Les garçons sont des garçons qui aimeraient ne plus avoir besoin des vieillards. Ils ont mille fois raison. Ils ont besoin d’hommes. Les vieillards doivent rajeunir ou partir. Et les garçons doivent devenir des hommes.

Le chemin est encore long se dit la troupe. En suivant le chemin qui s’appelle plus tard, nous arrivons sur la place qui s’appelle jamais, dit Sénèque.

Au travail donc. Et vite.

Dimitri Gisin